UNION CONFÉDÉRALE CFDT DES RETRAITÉS

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Laurent Berger : « Il faut investir dans le dialogue social »


Refuser les totalitarismes d’où qu’ils viennent. Avoir une vision claire des inégalités sociales. Donner sa place au dialogue social, et sa chance au « faire société ». Par l’échange et le débat d’idées. La démocratie est à ce prix ! Questions à Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT

7 Français sur 10 disent qu’ils n’ont pas confiance dans les syndicats. Quelles en sont les raisons ?

La défiance vaut pour l’ensemble des institutions. Concernant les syndicats, il y a la méconnaissance de ce que produit un syndicat. Les salariés attendent qu’on puisse s’investir sur le devenir de l’entreprise et en même temps sur leur situation de travail. Or dans l’inconscient collectif, le syndicat c’est la CGT ! Et cela joue. Il faut arrêter de parler « DES » syndicats en général pour parler de la CFDT, de la CGT, de FO… En 2017, lors des élections professionnelles, on peut commencer à inverser cela. Tous les jours, dans les entreprises, des militants de la CFDT font ce travail de construction de nouveaux droits des salariés. C’est moins spectaculaire que d’autres modes d’action. Mais c’est plus efficace.

En quoi les réformes actuelles du droit du travail portent-elles plus de démocratie ?

Les patrons ne sont pas vertueux par nature. Les rapports de force qui s’exercent dans une entreprise sont utiles pour les salariés. Plutôt que de penser à tout régir d’en haut, donnons de l’espace à la négociation collective dans les branches et dans les entreprises. Mais il faut préalablement un haut niveau de protection dans le Code du travail. Cela favorise la négociation. D’ailleurs, le dialogue social dans une entreprise ne peut s’opérer qu’avec quelqu’un de mandaté par une organisation syndicale et non avec un salarié lambda qui ne sera pas entendu.

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT
(photo DD)

Quelles sont les conditions pour aboutir ?

Il faut d’abord contraindre les patrons à s’engager dans un vrai dialogue social, et à reconnaître le fait syndical dans les entreprises. Il faut également faire marcher l’intelligence collective. Les contraintes et les besoins de l’entreprise doivent être partagés pour construire le compromis entre les impératifs économiques et la situation sociale.

Nous avons, en France, un risque démocratique très élevé avec la montée du Front National qui donne le sentiment qu’on aura une puissance publique autoritaire tout en se passant des corps intermédiaires. Mais on n’offre pas une autre voie, celle du dialogue, de la construction collective au plus près des citoyens. Tout système, qui a voulu passer par autre chose que de débattre en son sein des intérêts contradictoires, est devenu un pays totalitaire !

La notion d’intérêt général n’est-elle pas aussi dans une qualité d’être ?

La progression de très fortes inégalités mine notre pacte social et républicain. Mais où commence l’inégalité ? Il faut avoir cette capacité à avoir une photographie de la société. Où sont ses zones de fracture ? Il n’y a pas de solution miracle. Nous disposons juste de cette capacité à faire émerger du dialogue qui permet de trouver des solutions ensemble. C’est plus dur, plus long, plus exigeant.

Un mot sur les événements, leurs prolongements ?

À l’occasion de la remise du prix Nobel de la paix, les Tunisiens disent que le défi N° 1, pour faire perdurer la démocratie construite après le Printemps arabe, c’est la sécurité. Mais la sécurité ne doit pas nous empêcher de mener un autre combat : lutter contre le totalitarisme et le fascisme. Nous avons une autre conception du « faire société », bien sûr fait de « coups de gueule », de rebondissements, mais qui garantit un pays où on peut construire des choses, où on peut encore se parler.
On aura toujours des dingues. Et la menace va durer. Nous devons y opposer une capacité à recréer du lien social, à vivre et travailler ensemble. Chacun peut être créateur de ce lien social qui passe par l’échange et le débat d’idées. On ne réglera pas le problème démocratique avec simplement des experts mais avec les citoyens.

Propos recueillis par Daniel Druesne

En savoir plus

Sites :
Conseil de l’Europe : principale organisation de défense des droits de l’homme : www.coe.int
Comité économique et social européen : assemblée représentative de la société civile au plan européen (syndicats – employeurs – activités diverses) : www.eesc.europa.eu : « La société civile organisée au niveau européen » (Convention d’octobre 1999)
Conseil économique social et environnemental : www.lecese.fr : « De la représentation institutionnelle de la société civile » (2002)
Assemblée nationale : www.assemblee-nationale.fr : Rapport Bartolone – Winock (octobre 2015) : « Refaire la démocratie » : 17 propositions destinées à restaurer le lien entre les citoyens et leurs représentants.

Ouvrages :
Le Parlement des invisibles dans l’édition de Pierre Rosanvallon, Raconter la vie. Cet essai constitue le manifeste de la collection de ces récits de vie. Une collection de livres, un site Internet participatif : www.raconterlavie.fr
Ils ont semé nos libertés. Cent ans de droits syndicaux, Michel Ragon, préface d’Edmond Maire (Syros – 1984).
Les Ennemis de la démocratie, Tzvetan Todorov (Robert Laffont, 2012) : critique, historien, philosophe, chercheur au CNRS : l’auteur nous invite à réfléchir à une possible « fin de la démocratie ».
La Démocratie à l’œuvre, ouvrage collectif d’historiens, sociologues, politistes, philosophes autour de Pierre Rosanvallon (Seuil, 2015)

Initiatives  :
Le pacte civique est un appel à des personnes et à des organisations qui sont prêtes à se transformer et à transformer la société pour penser, agir et vivre autrement en démocratie www.pacte-civique.org
La journée citoyenne. Cette initiative annuelle de la société civile vise à : « Faire ensemble pour mieux vivre ensemble ». Agence des pratiques et des initiatives locales www.apriles.net