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Marc-Olivier Padis : « Réalisons un projet collectif plus inclusif ! »


Tout d'horizon acant les élections avec Marc-Olivier Padis, directeur des études de Terra Nova.

On dit les sociétés occidentales en déclin ou « en mutation ». Dans le même temps, les inégalités augmentent davantage encore. Tout change ou rien ne change ?

Les deux phénomènes vont ensemble : les nouvelles technologies et le système économique qui favorise la finance créent un monde dans lequel les inégalités sont croissantes. La première piste, c’est de combattre ces inégalités et revenir à un projet collectif plus inclusif. Pour cela, il faut agir sur tous les leviers : plus de croissance (parce qu’elle redistribue les cartes), la redistribution, la lutte contre les discriminations, l’investissement dans l’école et la connaissance sous toutes ses formes.

Mais cette stratégie économique doit se faire en transformant en même temps notre rapport à la nature. Il faut développer un nouveau régime de croissance qui ne mette pas en péril notre avenir par une surexploitation des ressources naturelles. Cette transformation donne un champ considérable d’opportunités dans le logement, les transports, l’alimentation… Mais il ne faut pas compter uniquement ici sur les nouvelles technologies. Ce sont surtout de nouveaux compromis sociaux, de nouvelles organisations collectives qui nous permettront de faire face aux défis.

Russie, États-Unis mais aussi en Afrique, trop de régimes se durcissent. Quelles analyses faites-vous de ces retours vers des « références » de repli sur soi ? Quelles exigences pour l’Europe ?

Les sociétés dans lesquelles les inégalités sont plus fortes connaissent des tensions sociales plus marquées, ce qui durcit le débat politique et pousse les électeurs vers des solutions extrêmes. Celles-ci peuvent faire illusion un temps mais sont condamnées à terme.

Avec Trump et Poutine, nous entrons dans une phase des relations internationales marquée par le cynisme. L’Europe sera à la hauteur de ces défis si elle préserve ce qui la distingue, c’est-à-dire ses valeurs, qui se situent dans un triangle d’or formé par la souveraineté populaire, l’État de droit et les Droits de l’Homme.

La campagne électorale en France a fait monter la question du revenu d’existence. S’agit-il d’un moyen de lutter contre la pauvreté ou serait-ce la base d’un nouveau mode de protection sociale « universel » ?

Nous ne sommes pas convaincus par cette proposition pour deux raisons. La première est qu’elle n’est pas finançable. Il faudrait trouver l’équivalent du budget de l’État, que nous ne savons même pas comment maintenir à l’équilibre. La deuxième est qu’elle part de l’idée que le travail se raréfie. Or notre protection sociale est ancrée dans le monde du travail. Ne renonçons pas aux institutions de solidarité qui ont fait leur preuve ! Et comme le disent les associations d’insertion, le travail est aussi une forme de réalisation de soi et de reconnaissance indispensable.

L’évolution démographique apporte un changement profond des sociétés française et européenne. Quelles sont les chances qu’apporte, selon vous, une société vieillissante ?

Je dirais plutôt une société « rajeunissante » car on vit en meilleure santé plus longtemps. Les années 1960 ont vu l’apparition d’un nouvel âge de la vie, l’adolescence. Aujourd’hui, nous voyons apparaître la « maturité active ». Les jeunes retraités ont du temps, un revenu moyen égal à celui des actifs, un niveau d’éducation supérieur aux générations précédentes, des envies et de la curiosité. On voit bien le dynamisme que cela apporte à la vie associative.

Les responsables politiques en parlent trop peu parce qu’ils pensent à tort que c’est un sujet anxiogène, à cause de la dépendance. Mais les politiques sont des hyperactifs qui ont peur du temps libre. Ce thème parle à tout le monde parce que la solidarité aujourd’hui dépend beaucoup des relations intergénérationnelles.

Propos recueillis par Daniel Druesne

Marc-Olivier Padis, Directeur des études de Terra Nova.
D.R.

Pour en savoir plus :

Terra Nova est un laboratoire d’idées progressiste et indépendant ayant pour but de produire et diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe. François Chérèque en a été le président jusqu’en 2016. www:tnova.fr